La Diagonale des Fous, par Alain Devillard le 28 octobre 2021

Je vois ma femme je lui fais un bisou ainsi qu’à Stéphanie et Aurélien qui vont me suivre tout au long du parcours.

Après 1 km de course j'arrive sur un bouchon, 35 minutes d'arrêt, ça y est, on monte. Ça commence vraiment à monter. On arrive jusqu'à notre Dame de la Paix à 3h 11 du matin. J’ai 1h 40 d'avance toujours content. J’ai parcouru 24 km.




J’ai toujours mes 2h05mn d’avance, mais je commence à être fatigué. J’ai déjà fait 66 km, 3336 de dénivelés, sans avoir dormi. Aurélien me prête sa camionnette pour que je puisse me reposer, et je lui demande de me réveiller au bout de 30 mn. Je n’ai pas pu dormir, j’ai fermé les yeux 5 mn. Je me dirige vers le stade de Cilaos pour me ravitailler avec du poulet et du riz (un peu sec). Mais je mange parce que je sais ce qui m’attend la montée Taïbit.



C’est qu’à ce moment-là de la course je voulais vraiment arrêter. Je me suis dit
« j'arrête, je suis aussi cuit que lui, j’ai sommeil, plus de force » Cette idée trotte dans ma tête. Mais c’est impossible. Je ne sais pas ce qu’il se passe, mais je me dis « je ne peux pas arrêter sans avoir au moins essayé de le faire. Si je rate la barrière horaire, j’aurais au moins essayé de le faire, pas de regret » 

Alors, c’est parti ! Je remplis ma gourde, je prends à manger et je repars, à fond.
Un second souffle : je monte, je descends, je remonte. J'ai de nouveau des jambes.
Je ne comprends pas comment je tiens, mais je continue.
L'arrivée est proche.

Je décide de me reposer pendant 1h et repartir vers le prochain point : Les Deux Bras.
Je sais qu’Aurélien m’attend là-bas.
J’y arrive à 17h 53 avec 1h30 d'avance. J’ai parcouru 121.9 km.
Même si je respecte la barrière horaire, même si j’ai 1h30 d’avance, je ne suis plus moi.
Je suis trop fatigué. J’ai mal. Début des ampoules. 



J'ai réussi à dormir 5 minutes. Je vais faire soigner mes ampoules, parce que je sais que ça peut me couper net si je ne le fais pas. 40 minutes de soin.
Je mange des haricots rouges avec de la saucisse. C’est très bon mais surtout je sais que ça va bien me tenir au corps pour la suite.

Stéphanie nous attendait au col avec une bouteille d’Orangina que j'ai bu en une seule gorgée, il me fallait du sucre.
j'ai oublié de vous dire 3 ème nuit.

Je repars pour terminer le reste jusqu’au prochain point. J’arrive à 23h 13 au Chemin Ratinaud, au 130 -ème kilomètre.
J’avais encore 40minutes d'avance sur la barrière horaire, ce n’est pas énorme. Je prends le temps de dormir 5 minutes, et je repars.



J’arrive à 5h 35 du matin, au bout de 146 km et après une dernière nuit à marcher à la Grande Chaloupe.

C’est ici que Aurélien, Stéphanie et leur fils Noah m’attendent.
Il faut que je les remercie. 3 jours qu’ils me suivent, qu’ils m’aident, qu’ils me préparent à manger et à boire. 3 jours qu’ils dorment dans une camionnette. Leur présence sur cette course m’a aidé à continuer, m’a redonné le moral.
Sur les différents marathons que j’avais déjà pu faire, mes deux filles étaient sur les parcours. Et voir des proches, ça nous aide forcément à avancer, à continuer et à ne rien lâcher. Elles ne pouvaient pas être avec moi, alors merci à Aurélien, Stéphanie et le petit Noah, qui vivent sur cette magnifique île, d’avoir été là, sur tout le parcours. Ils ont été un soutien précieux.
Enfin, un petit café
et je repars. Mais pas seul ! Je demande à Aurélien de venir avec moi, de marcher les 16 derniers kilomètres. Il me dit qu’il n’est pas prêt et qu’il ne s’y attendait pas. Mais il me suit ! « On va la finir ensemble cette course »

Après tout ce qu’il avait fait pour moi pendant le parcours, il méritait de vivre un bout de cette merveilleuse expérience. Alors on part. 

On arrive au Colorado à 8h59.
Je sais qu’il me reste 5km. 5 petits kilomètres avant de conclure ces deux années d’entrainement.
J’y suis presque, rien ne pourra m’arrêter. 

Mais ces 5 derniers kilomètres ont été une souffrance pour moi. Les pires. Vous ne pouvez pas vous imaginer.
Des cailloux, des cailloux et encore des cailloux. 

Et mes pieds qui me font mal et qui tapent au sol.
Il nous aura fallut 1h45 pour terminer ces 5 petits kilomètres.
Mais voilà, je suis en bas. C’est l’explosion de joie, un sentiment indescriptible.
J’y suis, il me reste 300 mètres.
Alors là tout se mélange, mais l’émotion et la fierté prennent le dessus.
Je vois ma femme
. Elle m’attend. Elle me prend dans ses bras et me félicite. Stéphanie, la femme d’Aurélien et ses parents m’attendent avec

Trop d’émotions, et je craque, je pleure. J’y suis arrivé. La fin est juste devant moi. 

Alors j’avance, main dans la main avec Aurélien et Noah sur les 100 derniers mètres.
Je vois la banderole : il reste 100 mètres. 

100 mètres avant la libération, avant la fin d’une incroyable expérience de 3 jours.
Je cours ces derniers mètres. Et voilà c’est fini. Je hurle de joie.
C’est un sentiment inqualifiable, probablement le plus fort dans le domaine du dépassement de soi.
Je reçois ma médaille. C’est la plus dure, mais c’est LA plus belle. Celle qui me provoque le plus d’émotions. 

A ce moment-là, les deux années d’entrainement me reviennent en mémoire.
Merci à ma femme, qui m’a soutenu jusqu’au bout, je sais que je n’étais pas beaucoup là, et que ce n’était pas facile pour elle toutes ces longues sorties pour m’entrainer.
Je t’aime énormément. 


Puis, de nouveaux compagnons se sont ajoutés, Fred, François, Vanina, Aline, Catherine, Marc, Claude, Anne-Cath , Eric, Line ,Guy
Carole ,Jean Marie. ....
Merci à vous tous. Je pense à vous au moment de mon arrivée, je pense au super moments qu’on a partagés, à marcher, à rigoler.

Merci à tous mes amis, qui de près ou de loin m’ont soutenu.

Et surtout merci à mes trois amours Pauline Fanny et surtout Lily qui m'a aidé à faire le sentier des roches vous êtes toujours là pour moi
Je vous aime énormément .

Ça y est, j’ai ma médaille autour du coup, et mon T-Shirt Finisher. 



J’ai terminé cette course, dans la souffrance.
Mais je ne retiens que l’émotion de la réussite. Je ne retiens que les paysages incroyables que j’ai pu voir et la gentillesse des gens tout au long de la route, je ne retiens que les bénévoles qui ont été magnifiques et sans qui ce Grand Raid ne serait pas possible.
Voilà que se termine ce périple de 3 jours sur la Diagonale des Fous.
C’est presque irréel.
Je suis fier de moi.
Je ne savais même pas que c’était possible d’autant se dépasser. 



A bientôt, pour de nouvelles aventures. (Mais d’abord je me repose
)

Bisou à tous.
Alain